Ecriture collective.
Création le 19 février 2013.
Théâtre National de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
Frein puissant de nos actions ou moteur aussi vicieux qu’obscur de nos comportements, la peur est un beau sujet de théâtre et le carburant de nos sociétés en crise. Désireux d’explorer « comment la peur, dans tous ses aspects, multiples et parfois contraires, conduit ou même construit la société », Armel Roussel s’en empare avec la fraîcheur formelle et la profondeur dramaturgique qui animent son théâtre depuis des années.
Dans La Peur, nous sommes plongés dans le quotidien d’hommes et femmes visiblement enfermés dans une sorte de camp de rééducation comportementale. Un quotidien rythmé par des protocoles huilés, mécaniques, répétitifs, sous la surveillance d’un gardien qui semble tout autant enfermé que les autres dans cet étrange bâtiment en ruine. On pèle des patates, on tricote, on va à la pêche aux oeufs, on s’exerce à l’obéissance civile sous télé-surveillance. Mais parfois, quand vient la nuit, on bascule. On fait l’amour, on joue du piano, on danse dans une boîte de nuit qui ressemble à Auschwitz, on construit une bombe, on pleure, on se confie à une caméra de sécurité.
S’intéressant assez peu, ou par petites touches impressionnistes très réussies, à l’aspect purement « phobique » de la peur, Armel Roussel plonge au coeur de son sujet. Et malgré, ou à cause de, l’aspect inquiétant de celui-ci, il le fait avec beaucoup de joie et une drôlerie de tous les instants. Il nous parle d’obéissance et de désobéissance, des ressorts qui nous font vivre une autre vie que la nôtre, une vie construite par les autres, conditionnée par la société.
Il nous parle de la peur ultime: celle de ne pas être. Il explore la manière dont nous mettons en place ces mécanismes inconscients qui nous empêchent d’être libres et comment nous tentons de nous en défaire.
Comme dans sa création collective précédente, Si Demain vous déplaît, Armel Roussel s’appuie sur une introduction et une conclusion aussi esthétiquement réussies que percutantes pour impliquer complètement son spectateur dans un spectacle qui ne ressemble à aucun autre, un tourbillon festif à la lumineuse énergie, traversé d’instants de pure folie douce, de fulgurances textuelles, de moments d’émotion à couper le souffle, d’un onirisme délicat.
Et, mieux encore, il parvient au final à délivrer un message qui, lui, n’a rien d’anxiogène. N’ayez pas peur de La Peur : Armel Roussel est visiblement un homme d’espoir, qui semble croire en l’Homme, à travers tout. Le metteur en scène désirait construire « un spectacle en santé sur un monde malade ».
Il l’a fait.
Pierre Morel
Ecriture et mise en scène : Armel Roussel | Assistant à la mise en scène : Julien Jaillot | Conseillère artistique : Sofie Kokaj | Direction technique et lumières : Nathalie Borlée | Scénographie : Nathalie Borlée et Armel Roussel | Création Vidéo : Zeno Graton | Création sonore : Brice Canavo | Costumes : Hélène Honhon | Couturière : Jennifer Defays | Maquillage : ZaZa da Fonseca | Chargée de production : Gabrielle Dailly | Ecriture et jeu : Selma Alaoui, Lucie Debay, Vanja Godée, Denis Laujol, Adrien Letartre, Nicolas Luçon, Vincent Minne, Sophie Sénécaut, Uiko Watanabe. | Régie générale : Luc Loriaux | Régie lumière : Didier Covassin | Régie son : Simon Pirson | Régie vidéo : Giacinto Caponio / Zeno Graton | Régie plateau : Julien Desmet, Corentin Longe | Avec la participation de l’Ensemble Il Diletto Vocale sous la direction de Daniel Lipnik – MusikAnima | Une création d’Armel Roussel / [e]utopia3 en coproduction avec le Théâtre National/Bruxelles. Avec l’aide de la Fédération Wallonie-Bruxelles – Service du Théâtre